Travaillons mieux, chômons heureux.ses !

Édito

2017 s’est terminée sans que naisse un mouvement social d’ampleur pour contrer les ordonnances venant réformer le code du travail. 

Mais la partie est loin d’être jouée : la réforme de l’assurance-chômage, promise par le candidat Macron, constitue une pierre angulaire de la flexibilisation du marché du travail et de la réforme profonde du système de protection sociale qu’il nous a promis de mener à bien.
Les premières annonces sont tombées alors qu’on attend les détails de cette réforme d’ici l’été 2018.

 

La question de l’assurance-chômage est centrale à bien des égards : c’est aujourd’hui un droit emblématique lié au statut de salarié. Nous sommes bien placé.es pour le savoir, l’assurance-chômage constitue un filet de sécurité autant qu’un espace de liberté pour développer une activité autonome, se former librement en fonction de ses aspirations et pas des besoins du marché, se remettre d’une expérience de travail traumatique, etc. Elle représente à la fois un élément phare dans le rapport de force entre salariés et patrons et un levier de développement d’espaces et de pratiques propices l’émancipation.

 

Le projet de réforme annoncé a été présenté comme une conquête de droits au travers d’une ouverture de l’assurance-chômage aux démissionnaires et aux indépendants. Mais les annonces de décembre dernier se sont surtout concentrées sur l’augmentation des obligations, des sanctions et du budget alloué au contrôle des chômeur.ses. Du côté des démissionnaires, là où l’enjeu semblait être de renforcer le pouvoir de négociation des salarié.es dans un contexte où on n’a jamais autant parlé de malaise au travail, de harcèlement et de burn out, on apprend que cela sera conditionné au développement d’un projet. Du côté des indépendant.es, le flou est total : l’imposant rapport remis par l’IGAS (inspection générale des affaires sociales) et l’IGF (inspection générale des finances) appuie surtout sur la difficulté à établir des critères d’indemnisation, à chiffrer les dépenses potentielles et à mettre des ressources en face. Bref, mieux vaut axer la communication sur le contrôle des chômeur.ses… alors même qu’aujourd’hui en France, à peine un chômeur sur deux est indemnisé.

 

Un autre volet important de la réforme se cache derrière le projet d’ « étatiser » l’assurance-chômage : financée par la CSG (contribution sociale généralisée) plutôt que par des cotisations, elle serait à l’avenir gérée par l’État et non plus par les organisations représentatives du salariat et du patronat. S’il y aurait beaucoup à dire sur le paritarisme, ce virage ne laisse rien présager de bon : il laisse l’État seul maître à bord pour gérer l’assurance-chômage, hors de tout contrôle des partenaires sociaux, lui laissant la possibilité de réduire ce budget à sa guise.

 

Il ne s’agit pas de s’opposer à de nouveaux droits pour les indépendants : la protection sociale doit être la plus étendue possible afin que les différentes catégories de travailleur.ses puissent bénéficier de la meilleure protection et ne se voient plus mises en concurrence. Il faut réussir à protéger et à étendre des conquêtes sociales aussi importantes que celle de l’assurance chômage. Le débat ne fait que commencer : nous devons y jouer un rôle, mobiliser les syndicats, qui semblent pour le moment frappés de stupeur, et faire vivre dans le débat public l’idée d’une protection sociale et d’une réglementation du travail porteuse de droits et d’une perspective d’émancipation. Une bonne résolution pour 2018 !

 

Noémie de Grenier, associée (codirectrice générale de Coopaname de 20214 à 2020)